La fin du préjudice « nécessaire » en droit du travail ?

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En droit commun, et notamment en droit civil, la réparation d’un préjudice suppose que celui qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir l’existence et l’étendue de celui-ci.

Par dérogation à cette exigence légale, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation avait créé la notion de préjudice « nécessaire », c’est-à-dire un préjudice automatique qui se passait de preuve et était caractérisé même en l’absence de dommages.

Cette jurisprudence s’étendait à divers domaines dans lesquels l’employeur est tenu de respecter certaines règles édictées par le code du travail.

Dans une récente décision, la Cour de Cassation a opéré un revirement de jurisprudence.

D’abord appliquée au respect des règles de la procédure de licenciement afin d’en assurer l’effectivité, la Cour de Cassation a ensuite étendu la notion de préjudice « nécessaire » à d’autres situations : remise tardive de documents sociaux (certificat de travail, bulletins de salaire, attestation Pôle emploi), stipulation d’une clause de non-concurrence nulle…

Le salarié pouvait ainsi se borner à invoquer l’existence d’un préjudice, sans avoir à produire des éléments particuliers ou invoquer des faits précis, le manquement de l’employeur lui causant « nécessairement » un préjudice.

Par un revirement en date du 13 avril 2016, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation vient de mettre fin à cette jurisprudence, née en 2003, pour affirmer que le préjudice doit désormais être prouvé par le salarié : elle abandonne ainsi la notion de préjudice nécessaire lorsque celle-ci ne résulte pas d’un texte ou d’une règle qui en consacrerait clairement le principe.

Pour expliquer sa position, la Cour de Cassation met en avant la nécessité d’un processus d’harmonisation avec les autres chambres de la Cour, et plus largement un retour au droit commun.

Il appartiendra à l’avenir au demandeur de préparer son dossier et de caractériser les éléments de nature à convaincre la juridiction de la réalité du  dommage invoqué (attestation, écrit, constat,  lettres, mise en demeure…), dont le montant sera évalué souverainement par les juges du fond.

Applaudie par certains et vivement critiquée par d’autres qui y voient une atteinte à la spécificité du droit du travail, cette nouvelle jurisprudence de la Cour de Cassation ne devrait pas passer inaperçue…

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Lien utile :

Cassation Sociale 13 avril 2016 n° 14-28293 Nouvelle fenêtre