Harcèlement moral : une exonération possible pour l’employeur diligent ?

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La responsabilité de l’employeur en cas de harcèlement moral n’est plus systématique. Elle peut être écartée si celui-ci a pris toutes les mesures de prévention lui incombant, puis toutes mesures propres à mettre fin à ces agissements dès qu’il en a été avisé.

La Cour de Cassation rend l’employeur débiteur d’une obligation qualifiée d’ obligation de résultat, en matière de sécurité des salariés, depuis les arrêts de 2002  dits « Amiante », dont l’objet était de réparer les conséquences des risques professionnels.

Le code du travail prévoit par ailleurs une protection contre le harcèlement moral qui incombe à l’employeur : « aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».

Le harcèlement moral, qui constitue une atteinte à la dignité de la personne, sujet particulièrement sensible, a donné lieu à de nombreuses décisions judiciaires, aux termes desquelles, sur le fondement de l’obligation de sécurité dont l’employeur est tenu, une condamnation intervenait dès que des faits de harcèlement étaient constatés.

Appliquant de manière particulièrement rigoureuse la notion d’obligation de résultat (dès lors que le résultat n’est pas atteint, le débiteur de l’obligation est tenu de réparer le préjudice qui en résulte, sans exonération possible), la Cour de Cassation a longtemps considéré que l’employeur devait être condamné lorsque s’étaient produits des faits de harcèlement moral, même s’il démontrait qu’il avait pris les mesures pour les faire cesser dès qu’il en avait eu connaissance.

La Cour de Cassation estimait ainsi que le fait pour l’employeur d’avoir pris des mesures de protection conservatoires n’excluait pas une violation de l’obligation de sécurité de résultat (arrêt du 3 février 2010 n° 08-44 019).

Ces décisions pouvaient laisser penser que l’employeur n’avait aucun moyen de défense, puisque quelles que soient les mesures mises en œuvre, il serait toujours reconnu responsable.

Prenant conscience des effets pervers de cette position qui n’encourageait pas les mesures de prévention, la Cour de Cassation a modulé celle-ci et, dans un arrêt de 2015, relatif à l’obligation de sécurité concernant des risques psychosociaux, a reconnu qu’un employeur pouvait avoir satisfait à son obligation dès lors qu’il pouvait justifier avoir pris les mesures de prévention pour protéger la santé des salariés, prévues par les dispositions du code du travail (Cassation Sociale 22 octobre 2015 n° 14-20 173).

Poursuivant cette démarche, dans une décision du 1er juin 2016, la Cour de Cassation vient de confirmer que l’employeur, qui a respecté les obligations mises à sa charge en matière de politique de prévention du harcèlement et qui a agi pour faire cesser les faits de harcèlement dès qu’il en a eu connaissance, peut être exonéré de sa responsabilité.

À cette double condition (politique de prévention de qualité en amont et mesures immédiates pour faire cesser le dommage en aval), l’employeur pourra désormais échapper aux actions engagées à son encontre sur des accusations de harcèlement moral.